
Il s’agit d’un régime matrimonial peu utilisé, et pourtant intéressant.
Il fonctionne, durant le mariage, comme une séparation de biens.
Mais au moment de la liquidation, on compare, pour chaque époux, son patrimoine originaire (celui qu’il avait quand il s’est marié) et son patrimoine final (celui qu’il a au moment de la séparation). On partage l’enrichissement de chacun en deux et on attribue à chacun la moitié de l’enrichissement de l’autre.
La philosophie de ce régime est ainsi à la fois individualiste et égalitaire : il n’y a pas de mise en commun des biens, même acquis pendant le mariage, mais l’enrichissement acquis durant le mariage est partagé.
Dans une décision du 13 décembre 2023, la Cour de cassation a précisé qu’on doit tenir compte de l’enrichissement quelle que soit son origine. On ne doit ainsi pas s’en tenir aux apports de capitaux, mais aussi à la valorisation résultant du travail de l’époux.
Il s’agissait d’un fonds de commerce de pharmacie : il avait pris de la valeur grâce au travail de l’épouse pharmacienne, qui n’avait cependant procédé à aucun travaux.
La cour d’appel a refusé de tenir compte de la prise de valeur résultant de l’« apport en industrie » de l’épouse.
La Cour de cassation casse et annule :
Vu les articles 1569, 1571 et 1574 du code civil
8. Selon le premier de ces textes, pendant la durée du mariage, le régime de participation aux acquêts fonctionne comme si les époux étaient mariés sous le régime de la séparation de biens. A la dissolution du régime, chacun des époux a le droit de participer pour moitié en valeur aux acquêts nets constatés dans le patrimoine de l’autre, et mesurés par la double estimation du patrimoine originaire et du patrimoine final.
9. Selon les deux textes suivants, les biens compris dans le patrimoine originaire comme dans le patrimoine final sont estimés à la date de la liquidation du régime matrimonial, d’après leur état au jour du mariage ou de l’acquisition pour les biens originaires et d’après leur état à la date de la dissolution du régime pour les biens existants à cette date.
10. Il en résulte que lorsque l’état d’un bien a été amélioré, fût-ce par l’industrie personnelle d’un époux, il doit être estimé, dans le patrimoine originaire, dans son état initial et, dans le patrimoine final, selon son état à la date de dissolution du régime, en tenant compte des améliorations apportées, la plus-value ainsi mesurée venant accroître les acquêts nets de l’époux propriétaire.
Les efforts déployés par l’épouse pour développer son commerce sont ainsi pris en compte et doivent être partagés avec son époux.
Cette décision met en évidence la différence entre ce régime et celui de la communauté de biens réduite aux acquêts : dans un tel régime en effet, on n’aurait pas tenu compte du travail de l’épouse, qui n’aurait généré aucune récompense, faute d’apports en capital.